Will Schutz en rêvait, l’entreprise libérée le fait !

Homme lisant un journal

Regards Croisés : Entreprise Libérée & Élément Humain®

I.            Will Schutz en rêvait, l’Entreprise Libérée le fait !

Lorsque j’ai découvert l’Entreprise Libérée à travers le livre d’Isaac Getz, Liberté et Cie[1], j’ai été frappée par les liens qui existent ente ce type d’organisation et celui posé par Will Schutz dans son approche de l’Élément Humain®. Ma pratique d’accompagnement au sein de l’une de ces Entreprises Libérées m’a confirmé ce constat.

Mon objet dans cette série de  » Regards croisés entre l’Entreprise Libérée et l’Élément Humain® » est d’illustrer les divers aspects où ils se rejoignent. Dans ce premier article, on verra à quel point l’Entreprise Libérée est l’incarnation de l’organisation performante théorisée par Will Schutz.

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Il est utile de repartir dans un premier temps de l’origine de la démarche de l’Élément Humain®.

Une organisation où les individus se sentent importants, compétents et appréciés (« aimables »)

Will Schutz explique dans son ouvrage de référence, l’Élément Humain[2], qu’il a été amené à développer son approche en réfléchissant à ce qui constitue une équipe performante au travers des dimensions de l’Inclusion, du Contrôle et de l’Ouverture. Il est ensuite passé au niveau systémique supérieur en posant les bases de l’Organisation performante et du climat qu’elle doit instaurer afin de permettre aux individus et aux équipes d’être performants.

Ainsi pour Schutz, l’Organisation doit permettre aux individus de se sentir importants, compétents et aimables (appréciés). Ce n’est que dans un tel climat que les individus produisent le meilleur d’eux-mêmes et qu’ils peuvent avoir une bonne estime de soi.

Veiller à ce que les individus se sentent importants, compétents et aimables, suppose de partir de la croyance qu’ils en sont capables, ce qui rejoint le postulat de l’entreprise Y de McGregor, résumé par J.F. Zobrist[3] par la formule : « l’homme est bon ».

Partant de ce même postulat de base, Will Schutz pose les conditions que doit remplir l’organisation :

« Pour l’organisation, l’objectif est de créer un climat qui favorisera l’estime de soi de tous les employés, particulièrement par les moyens suivants :

• la Participation : l’organisation offre une pleine participation dans son travail. Moi l’employé, je ne veux pas (et on ne me demande pas) de participer à toutes les activités, mais j’ai l’occasion et je suis invité à le faire. Je me tiens informé des activités de l’entreprise et je suis inclus dans les activités auxquelles je souhaite participer.

  • la Liberté : on me fait confiance pour que je détermine la meilleure manière de réaliser ma tâche.
  • l‘Ouverture : Je suis pleinement ouvert au sein de l’organisation. Je ne garde pas de secrets (hormis les secrets industriels justifiés ou de sécurité). Je réponds à toutes les questions franchement et complètement.
  • la Valorisation : je suis connu et reconnu par l’organisation. L’organisation acquiert une compréhension des aptitudes de chaque employé.
  • l‘Empowerment : l’entreprise m’investit de l’autorité/du pouvoir et je fais tout volontairement. Je participe aux décisions finales sur tous les sujets que je connais le mieux et qui m’affectent le plus.
  • l‘Humanité : l’organisation m’apprécie et me connaît en tant que personne et encourage les contacts sociaux »[4]

L’Entreprise Libérée, incarnation de l’organisation performante de Will Schutz

Reprenons maintenant chacun de ces critères du climat organisationnel à la lumière de l’Entreprise Libérée.

  • La Participation : l’organisation offre une pleine participation dans son travail.

L’Entreprise Libérée est fondamentalement participative. Chacun est informé de ce qu’il se passe dans l’entreprise et notamment à travers le Réseau Social de l’Entreprise, véritable outil d’inclusion. Ainsi, chez Chrono Flex, ce sont les salariés qui choisissent de participer à l’accueil et à la visite guidée de l’entreprise pour des visiteurs extérieurs venus en « learning expedition ».

  •  La Liberté : on me fait confiance pour que je détermine la meilleure manière de réaliser ma tâche.

L’un des grands principes de l’Entreprise Libérée est « Celui qui fait est celui qui sait ». Pour cela, il est nécessaire de redescendre l’information et le pouvoir de décision au niveau des opérationnels. Chez FAVI, les opérateurs ont été réorganisés en « mini-usines » dédiées à chaque client. Elles peuvent ainsi s’auto-gérer et travailler de manière autonome au plus près des besoins de leur client.

Cette liberté se manifeste également par la latitude donnée par l’entreprise à l’initiative. Cette capacité d’initiative est d’ailleurs au cœur même de la définition de l’Entreprise Libérée, telle que l’a posée Isaac Getz : « Il s’ agit d’une entreprise dont la majorité de salariés sont complètement libres et responsables d’entreprendre toute action qu’eux-mêmes –pas leurs chefs ou les procédures– décident comme les meilleures pour la vision de leur entreprise ».

Par exemple, chez Poult (fabricant de biscuits) à l’usine de Briec, l’animatrice du magasin d’usine, après 16 ans passés en production, a proposé elle-même son projet de magasin d’usine à un collectif qui l’a accepté. Elle a ensuite eu toute latitude pour le construire.

  • L’Ouverture : Je suis pleinement ouvert au sein de l’organisation. Je ne garde pas de secrets (hormis les secrets industriels justifiés ou de sécurité).

L’entreprise partage l’information avec les collaborateurs.

Par exemple, chez Chrono Flex, les équipes terrain décident de leurs investissements, de leurs achats et de leurs embauches en ayant à leur disposition les chiffres de l’entreprise et leur propre compte d’exploitation individuel.

  • La Valorisation : je suis connu et reconnu par l’organisation. L’organisation acquiert une compréhension des aptitudes de chaque employé.

L’entreprise connaît mes aptitudes et mes compétences. L’entreprise me connaît et me reconnaît. Loin d’enfermer ses collaborateurs dans les seules compétences qu’ils utilisent dans leur fonction, l’Entreprise Libérée les encourage à développer de nouvelles compétences à partir de leurs talents et de leurs passions.

C’est ce que l’on observe chez Imatech où pour lancer de nouvelles prestations en conseil ou en formation, l’entreprise se tourne vers les opérationnels qui produisent au quotidien (« ceux qui font ») et ont des talents pédagogiques. L’entreprise leur propose une formation de formateur diplômante qui d’une part sert le projet de développement de l’entreprise et d’autre part apporte au collaborateur une nouvelle compétence qu’il pourra valoriser à l’extérieur de l’entreprise.

  • L’Empowerment : l’entreprise m’investit de l’autorité/du pouvoir et je fais tout volontairement. Je participe aux décisions finales sur tous les sujets que je connais le mieux et qui m’affectent le plus.

Le pouvoir de décision est donné à ceux qui sont concernés. Dans l’Entreprise Libérée, lorsqu’une problématique surgit, il appartient à ceux qui sont concernés par celle-ci, et uniquement à eux, de la résoudre. Libre à eux d’aller chercher les conseils et éclairages nécessaires autour d’eux.

Cet « empowerment », c’est ce que David Marquet[5], libérateur de sous-marin atomique de l’US Navy, résume par la formule : « push authority to information and not information to authority » (« il faut faire descendre l’autorité là où se trouve l’information (c’est-à-dire chez les opérateurs) et non remonter l’information là où se trouve l’autorité »).

  • L’Humanité : l’organisation m’apprécie et me connaît en tant que personne et encourage les contacts sociaux

Dans la plupart des Entreprises Libérées l’utilisation d’internet et du Réseau Social de l’Entreprise est devenu un outil de contact et de reconnaissance. Celui-ci sert à partager et souligner des initiatives et réalisations individuelles et collectives, à les mettre en valeur.

C’est bien cette appréciation de chacun pour qui il est qui a conduit Lippi (fabricant de clôtures) à former l’ensemble de ses collaborateurs aux technologies du web, sans autre objectif particulier[6]. Lippi a en effet fait le pari qu’une fois formés, les collaborateurs auraient des idées pour utiliser ces technologies au profit de l’entreprise. Les initiatives qui ont émergé ont ainsi notamment conduit les salariés à un fonctionnement très collaboratif au moyen de leurs comptes Twitter et à la création de leur encyclopédie, le Wiki Lippi, qui est devenue une référence dans le secteur de la clôture !

J’ai, à dessein, choisi d’illustrer ici les différents éléments du climat organisationnel par des exemples issus de plusieurs Entreprises Libérées. Il est tout aussi possible de montrer que chacune d’elles est un modèle de mise en œuvre de tous ces éléments. C’est, à mon sens, l’une des explications de leur performance !

L’Entreprise Libérée crée effectivement ce climat propice à une bonne estime de soi des individus, à des relations respectueuses et de confiance. Cela permet à chacun de s’épanouir et de donner à son tour le meilleur de lui-même à l’entreprise.

Il est intéressant de constater à quel point l’approche développée par Will Schutz est particulièrement adaptée aux interventions dans ces entreprises, que ce soit à l’aide de l’Élément O® qui mesure le climat organisationnel ou au travers des actions sur le collectif ou les individus permettant d’intégrer les éléments de la théorie FIRO[7] et de créer des relations ouvertes et performantes.

Nous verrons dans un prochain « Regard Croisé », comment les dimensions de la théorie FIRO de Will SCHUTZ (Inclusion, Contrôle et Ouverture) s’expriment dans l’Entreprise Libérée.